La mafia japonaise au Brésil

 
 
Comme les Chinois, les Yakuzas tendent à s’implanter dans les pays où leurs compatriotes sont déjà installés en nombre. L’Amérique latine, et en particulier le Brésil, n’échappent pas à cette règle. Les Japonais ont commencé à émigrer au Brésil en grand nombre à partir des années 1930, où beaucoup d’entre eux s’y sont rendus pour travailler la terre. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, une imposante vague d’immigrants est venue grossir leurs effectifs, en majorité composée d’anciens soldats qui, une fois rapatriés au Japon, après avoir fait la guerre outre-mer, se sont empressés de quitter leur pays natal ravagé pour vivre ailleurs une nouvelle vie.

Plus des trois quarts des japonais vivant en Amérique du Sud se sont installés au Brésil, où ils forment la deuxième communauté japonaise du monde après le Japon. C’est leur importance au Brésil qui a fait de ce pays le troisième centre d’investissement japonais dans le monde et qui a provoqué la constitution d’une pègre spécifique, indigène et d’importation.

La criminalité au Brésil pourrait se passer des yakuzas. Le trafic de cocaïne, en provenance de la Bolivie et du Pérou voisins, ne cesse d’y augmenter, soutenu par d’actifs associés de la mafia italienne et par les marginaux des très nombreuses communautés ethniques du pays. Les yakuzas se sont fait leur place au coeur même de la communauté japonaise dans les quartiers de Liberdade, dans l’immense ville de Sao Paulo. Quelques 250 000 Japonais y sont installés, entassés dans une vingtaine de pâtés de maison de cette cité de plus de 17 millions d’habitants.

Ce n’est que vers la fin des années 1970 que les yakuzas ont commencé à faire parler d’eux au Brésil, lorsque éclata à Liberdade, entre gangs japonais et coréens, les violences qui couvaient depuis longtemps. La communauté japonaise les appelle gurentai ou voyous. Ces jeunes gangsters ne se coupent pas les doigts et ne se font pas tatouer. Mais nombreux sont ceux qui ont conservé des liens, au Japon, avec les yakuzas. En association avec des yakuzas à l’étranger, ils ont monté des affaires commerciales qui leur servent de façades : restaurants, bars, sociétés d’import-export, commerces de fleurs. Il font beaucoup de contrebande : marchandises brésiliennes vers l’extérieur, et marchandises japonaises (surtout des appareils électroniques, dont l’importation est strictement réglementée) vers l’intérieur. Dans la zone de Liberdade, ils contrôlent le jeu, la drogue, la prostitution et la protection forcée. Selon d’autres rapports, les yakuzas brésiliens se seraient lancés dans les distributeurs automatiques et les machines à sous, ainsi que dans la construction.

Le trafic d’armes est florissant. En 1990, les associés des yakuzas firent entrer plus de 1000 armes et 10000 cartouches d’origine brésilienne à bord de thoniers en provenance du Cap en Afrique du Sud. La plupart de ces armes furent vendues aux principaux syndicats du crime. Elles servirent dans les entreprises criminelles parmi les plus spectaculaires que l’on ait vues au Japon. Il y eut par exemple la tentative de vol d’un camion blindé en 1992 ou encore la tentative d’assassinat du vice-président du PLD, Shin Kanemaru, orchestrée la même année par une faction d’extrême droite.

Les yakuzas firent encore la une des journaux en 1979 au Brésil, lorsque la police identifia deux gangsters impliqués dans une affaire de meurtres en escroquerie à l’assurance-vie. Les deux hommes s’enfuirent d’abord à Taiwan, puis au Paraguay et à Sao Paulo. Ils revinrent ensuite dans la ville d’Araguaia, aux abords de Brasilia, et trouvèrent la mort au cours d’une fusillade avec des agents fédéraux. Mais c’est dans les années 1980 que les relations entre les yakuzas et leurs cousins brésiliens prirent leur essor. A l’époque, manquant de main-d’œuvre, le Japon fit en effet venir 100 000 travailleurs de ce pays. 70 agences de recrutement ouvrirent leurs portes, essayant d’attirer des hommes nippo-brésiliens et des femmes de toutes origines. Comme le marché des armes et de la drogue, l’industrie du sexe prit son essor. La police brésilienne fut abasourdie lorsqu’en 1994 elle découvrit un authentique parrain du Yamaguchi-gumi en fuite au fin fond de l’Etat de Parana, au sud du pays. Affichant la panoplie complète du parfait yakuza (petit doigt amputé, le corps entièrement tatoué), l’oyabun était soupçonné au Japon de trafic de cocaïnes, de prostituées et d’émigrants clandestins, ainsi que de blanchiment d’argent par le biais de transactions immobilières.

Si les yakuzas se sont fait plus discrets ces dernières années, nul doute que les yakuzas vont essayer de tirer partie de la manne que va provoquer les jeux olympiques d’été au Brésil en 2016.

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